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L'association SANTÉ ET MÉDECINE DU TRAVAIL a pour objet de développer une réflexion et de permettre un échange sur les pratiques professionnelles et leurs conséquences scientifiques, sociales et éthiques pour agir sur l'évolution de la médecine du travail. Elle est ouverte aux médecins du travail et aux spécialistes scientifiques et sociaux se préoccupant de la médecine du travail.
La SMT fait partie des membres fondateurs de E-PAIRS.

 

 

Pour la santé au travail, le changement est-ce vraiment maintenant ?

Par Alain CARRE

Aout 2013
 

Vous avez sans doute pris connaissance de la « feuille de route » qui a suivi la « conférence sociale » des 9 et 10 juillet 2012. Qu’y trouve-t-on ? des engagements du gouvernement qui ne manquent pas d’intérêt: réforme des institutions représentatives du personnel (IRP), lutte contre les discriminations notamment concernant le handicap et la précarité, amélioration de la qualité de vie au travail, intention de revisiter la gouvernance tripartite sur la santé au travail, amélioration des conditions de travail, lutte contre la pénibilité, amélioration des conditions de travail et de la prévention des risques professionnels pour les agents publics. Mais hélas, force est de constater que concernant la santé des travailleurs au travail, même si de bonnes intentions y sont, les propositions relèvent plutôt du flou artistique ou sont renvoyées à d’autres négociations. Mais, quelle feuille de route pour la prévention des risques pour la santé au travail ?

 Eh bien, commençons par le commencement: examinons les décrets promulgués pendant dix ans et réformons ceux qui desservent la prévention (par exemple ceux du 30 janvier 2012 sur la médecine du travail et la traçabilité des risques chimiques) et modifions les lois partisanes, celles sur les retraites et la pénibilité, mais aussi celle de juillet 2011 sur la santé au travail.  Mesdames et messieurs les ministres, il est temps de remettre à l’endroit ce que la mandature précédente a mis à l’envers !

 Proposons, en premier lieu, d’en finir avec la confusion entre la protection de la santé au travail assurée par la médecine du travail qui constitue une mission d’ordre public social et la mission d’ordre privé d’aide aux obligations de prévention de l’employeur qui ont pour objet d’éviter l’accident du travail et la maladie professionnelle. Le détournement et l’appauvrissement de la médecine du travail doivent cesser.

De ce fait, la gouvernance des services de santé au travail doit échapper à l’emprise majoritaire des employeurs : les moyens de toute nature et les prérogatives de comités d’entreprise en matière de service de médecine du travail et de la commission de contrôle des services interentreprises sont à renforcer. En particulier ces moyens doivent permettre  d’assurer la visibilité du fonctionnement de la médecine du travail pour la représentation syndicale ou les travailleurs des PMI-PME ou TPE et en contrat précaire et leur participation au fonctionnement de la surveillance médicale de leur santé.

Il faut aussi en finir avec l’amateurisme préventif et le sabotage de la traçabilité des risques professionnels, par certains employeurs. Ils les engendrent et en tirent profit : leurs obligations de prévention doivent être renforcées. Comme le propose une confédération ouvrière il s’agit de «transformer le cadre dans lequel s’exerce le travail : son sens, la reconnaissance légitime qu’on devrait en retirer, et les conditions de sa réalisation ».

 Soyons encore plus concrets. Comme l’a promis le candidat Hollande et dans la tradition des lois Auroux, il s’agit de donner des nouveaux moyens d’agir  aux comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et aux délégués du personnel (DP).

Transformer les délégués en préventeurs syndicaux n’est pas souhaitable car leur lien au travail réel en serait affaibli et leur compétence pourrait être détournée par l’employeur. Mais le CHSCT est un acteur essentiel de la prévention du point de vue de la réalité du travail et du vécu des travailleurs.  Des moyens nouveaux de toute nature doivent être mis à la disposition des délégués, notamment informatiques, de secrétariat et de communication vers les travailleurs qu’ils représentent. Par exemple, en premier lieu, doit être abaissée la limite numérique obligeant à constituer un CHSCT. En matière de temps de délégation, plaidons pour la mise à disposition pour les délégués en CHSCT (ou les DP qui jouent ce rôle) de temps supplémentaire pour exercer leur mandat. Ainsi le temps de délégation minimal actuel serait systématiquement doublé. En matière de formation, la durée en serait doublée sans distinction de seuil en effectif.

 Voilà la feuille de route ! Médecine du travail et équipe médicale pluridisciplinaire indépendantes des employeurs et efficaces, traçabilité des risques exigée des employeurs, contrôle social en santé au travail et CHSCT renforcés. Pour la santé des travailleurs au travail, le changement est-ce vraiment  maintenant ? Chiche !

 

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